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LETTRES DE FADETTE

et je fus écrasée sous le poids de leurs protestations indignées : « Cette pièce leur gâte tout le grand auteur ! Il pose en héros un grossier et brutal personnage, il avilit la femme et prétend établir que l’homme a le droit de la traiter en esclave, et patati et patata ! »

Quand elles n’eurent plus le souffle, j’eus mon tour. Entre femmes on a toujours son tour ; s’il nous est refusé, nous parlons toutes ensemble, c’est une des manières d’avoir son tour, et elle vaut les autres ! J’ai eu beau jeu à défendre contre ces avocates de la dignité féminine, ce grand Shakespeare dont l’œuvre presque entière est la glorification des vertus féminines. À une époque, où, surtout en Angleterre, la femme était considérée comme une inférieure et traitée comme telle, Shakespeare l’a élevée à un idéal qui demeure l’Idéal. Beauté, pureté, courage, tendresse, générosité, il a célébré toutes ces vertus féminines et les a immortalisées dans ses héroïnes auxquelles le temps n’enlève rien de leur charme, de leur noblesse et de leur éternelle jeunesse. Dans la femme le poète a vu la chercheuse des idées élevées, des sentiments délicats et désintéressés, des pensées nécessaires au bonheur ; il a vu l’esprit et l’âme féminines idéalisées et il leur a accordé une influence bienfaisante et toute puissante.

Je ne vois pas pourquoi les femmes lui en voudraient d’avoir créé « une » mégère et son dompteur, — celui-ci recueille toute leur hai-