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LETTRES DE FADETTE

Ils semblent sortir du feu et disparaissent dans l’ombre… derrière le piano, je crois…

Les voilà devenus plus longs, plus maigres, un peu gauches, avec la timidité de l’âge ingrat, et ils emportent les détestables cadeaux utiles : plumiers, cartables, patiences géographiques, abrégés de sciences à l’usage des enfants. Ils sont un peu tristes : leur cœur capricieux et froissé parait dans leurs yeux chercheurs.

Et voici les Noëls charmants de la jeunesse : ils sont fins, sveltes, rieurs et rêveurs : ils portent des fleurs, des écrins, des perles satinées, des dentelles fragiles, des fourrures blanches ; ils marchent environnés de musique et de chimères, ils ne touchent la terre que du fin bout du pied, leurs ailes frémissent et voudraient s’ouvrir très grandes : vers les anges de ma jeunesse, je tends les mains pour les retenir, mais ils s’évanouissent dans le noir et d’autres Noëls leur succèdent. Quelques-uns ont des yeux de saintes en prières : ils glissent avec un parfum doux d’encens ; d’autres, fleuris, parés, semblent revenir de la danse. Quelques-uns ont les mains vides, d’autres portent un flambeau allumé, d’autres encore, un sablier gris où le temps coule… coule… il y en a plusieurs dont les voiles sont tout noirs, et qui pleurent…

Ils ont tous passé, et celui de cette année n’est pas venu…

Inquiète, je lève la tête : sur le chemin bleu