Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/39

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sympathie des choses, comme elles trouvent sages, leurs vieux confidents les arbres, et comme est compréhensive et fine la rivière qui chante la complainte ou la romance que leur cœur réclame.

Pourquoi, vous privez-vous de ces grandes joies que Dieu a mises à la portée de tous ? Pourquoi remarquez-vous mieux la dentelle précieuse des rideaux aux vitres, que les réseaux merveilleux, bruns, blancs ou verts des branches qui se croisent sur les ciels gris ou bleus ? Si à vingt ans vous passez en automate au milieu de la poésie des choses, que serez-vous à quarante ?

J’en ai bien peur : vous serez une femme accablée par son milieu, esclave des riens de la vie, maussade, lasse, ennuyée, et peut-être ennuyeuse ?

Vous aurez perdu ce grand ressort de l’enthousiasme, cette vitalité intérieure, qui, à certains moments, donne un si grand coup d’aile ! Cette intensité de vie, on la puise dans l’amour de la nature, dans cette beauté simple et vraie dont le trésor nous offre sans cesse des richesses nouvelles.

La plupart d’entre vous ignorez cette joie simple. Aveugles à la beauté des choses, insensibles à la grande émotion qui agenouille tout l’être dans une reconnaissance attendrie, vous souriez en haussant les épaules, petites filles pratiques ! « Tout ça, c’est de la poésie, dites-vous. Pourvu que je sois bien mise et