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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/85

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village, et que l’on veuille une robe d’étoffe du pays ou une légère toilette de mariée, c’est à elle que l’on s’adresse, et elle vous reçoit toujours gentiment, avec un sourire un peu triste et des yeux couleur de ciel, où il passerait un rayon de soleil.

Hier, j’entrai chez elle pour… au fait à quoi bon vous le dire, ce n’est pas ce qui vous intéresse. Elle me demande la permission de coudre tout en causant, parce qu’il y a « de la presse » au moment des vacances.

Nous parlons de la pluie, de la visite de l’évêque, d’une famille étrangère annoncée pour l’été et qui a loué la maison hantée…

Ses doigts blancs jonglent dans l’étoffe légère qu’elle manie avec des petits mouvements vifs et gracieux, que j’observe tout en causant. Elle s’arrête subitement, tire un de ses cheveux qu’elle arrache d’un petit coup sec. Elle l’étend dans toute sa longueur à l’intérieur de l’ourlet qu’elle prépare et elle se remet à l’ouvrage, avec, aux lèvres, un petit sourire mystérieux et charmant.

On eût été intrigué à moins, et je questionnai : vous en auriez bien fait autant, dites ?

La robe est destinée à une jeune fille qui se marie jeudi, et le cheveux blond, cousu dans sa robe, doit apporter « la chance d’amour » à la jolie enfant qui voudrait tant qu’on l’aime, et si le Sort veut bien entendre la prière éloquente du cheveu d’or, ma petite amie coudra avant longtemps, pour elle-