Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/119

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Et je la laissai, si mignonne avec ses grands yeux clairs qui illuminaient son visage mince et pâle dans l’obscurité grandissante. Je la laissai avec sa lettre fermée entre les doigts, demandant aux feuilles bruissantes de lui murmurer ce mystérieux message, et percevant la douceur des mots qu’elle « savait » mais qu’elle ne pouvait lire. Cette petite enveloppe intacte, quel acte de foi touchant ! Il vit et il l’aime… Risquerat-elle de livrer les précieux aveux à des indifférents ? Elle n’a rien à apprendre, elle sait si bien… elle se souvient.

Elle est bien étrangère à nos ingénieuses complications, la petite âme confiante et fidèle, gardant pieusement ses lettres fermées, et attendant patiemment son soldat qui se bat en cette France lointaine qu’elle ne sait même pas imaginer. Et je pensais, en rentrant chez moi, à ces lettres reçues dans un délire de joie, puis relues et disséquées jusqu’à ce qu’elles créent de l’angoisse. Après avoir tiré des mots toute leur valeur, c’est entre les lignes que nous lisons, pour y chercher plus ou moins que les mots ne semblent dire.

Elle a des larmes dans les yeux, la petite fiancée, mais la joie habite son cœur, puisqu’elle vit dans le royaume de l’Amour qui est bien « le royaume des certitudes ».