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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/32

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et qu’on y enferme par prudence, convention, timidité ou fierté ! Pauvres choses prisonnières, oiseaux ou pensées, vous repliez vos ailes devant les espaces inaccessibles où il vous est interdit de vous élancer, et les passants distraits ne se doutent pas de la tristesse de vos silences !

Ce qui doit vous consoler, ô vous qui vous taisez, c’est que les pensées qui vivent en vous ne sont pas perdues, même pour les autres, même si elles ne sont jamais exprimées. Plus elles sont nombreuses, plus elles vous sont chères, et plus elles font votre âme grande et profonde, et votre vie ne sera-t-elle pas le reflet de ce qui vit invisible mais vivant dans votre cœur ?

Comme il arrive souvent, mes réflexions sérieuses aboutirent à une question puérile dont je savais d’avance la réponse : « Ne sont-ils pas malheureux, ces pauvres petits oiseaux, d’être privés de leur liberté ? — Malheureux ! mes oiseaux ! cria le bonhomme indigné… mais ils mourraient de froid et de faim si je les lâchais ! »

Ne soyons pas tristes quand il faut nous taire, nos pensées aussi mourraient peut-être de froid et de faim devant l’incompréhension et l’hostilité de ceux qui mangent et qui boivent et qui trouvent la vie bonne pourvu qu’ils y soient installés confortablement. Engourdis dans le bien-être matériel, ils ne sentent que faiblement la vie intellectuelle, pas du tout la vie de l’âme. Ils trouvent exagéré ce qu’ils ne peuvent com-