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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/48

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elle ne voulut pas quitter son pays d’adoption dont elle était déjà une des gloires, nouvelle et étrange. À la demande du duc de Bourgogne, elle écrivit une vie de Charles V, et à la suite, une quinzaine de volumes qui ne l’enrichirent pas mais lui procurèrent l’aisance.

Une jeune veuve très jolie, qui composait des vers et faisait profession d’écrire plutôt que de filer la laine au logis, devait nécessairement attirer la calomnie, et on ne la lui épargna pas. Mais la malice de ses accusateurs nous paraît être une vengeance de littérateurs licencieux qu’elle eut le rare courage de condamner au nom du respect dû aux mœurs, et du respect dû aux femmes.

Il est joli ce geste de la femme, ayant à compter avec la sympathie du public lettré pour gagner sa vie, et qui ne craint pas cependant de protester avec indignation contre « L’art d’aimer », d’Ovide, et le « Roman de la Rose », si répandus alors dans le grand monde où elle vivait. Il fallait pour faire une telle critique, une indépendance d’esprit et un courage moral dont toute sa vie d’ailleurs est l’illustration.

Cette charmante Christine de Pisan est un joli type d’intellectuelle très féminine qui n’eut rien du bas-bleu stigmatisé plus tard par Molière, rien non plus de la féministe moderne. Sa vocation d’écrivain fut créée par l’amour maternel, et sa grâce de femme égala son talent d’écrivain. On