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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/65

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XXIII

Au hasard de la vie ?


« Que voulez-vous ! je vis au hasard de la vie. » Ces mots dits avec tristesse, par cet ami, dans le tramway, m’obsédèrent quand il fut parti. Ils étaient tombés dans ma propre tristesse à la manière d’une pierre lancée dans l’eau dont les cercles vont s’étendant toujours plus loin, et, tout le long de cet interminable parcours, je pensai à nos vies si remplies d’inconnu et de hasard.

Nous allons quand même, comme si nous étions maîtres de notre destin, faisant sans nous lasser des projets inutiles et des rêves jamais réalisés, nous heurtant et nous meurtrissant aux grands murs de l’impossible. Nous rencontrons également des joies imprévues, et nos heures tristes sont traversées soudain par de grands rayons lumineux qui éclairent le chemin et relèvent le courage.

Nous marchons ainsi vers un but et nous en atteignons un autre, observant avec surprise autour de nous des faiblesses inexplicables et des héroïsmes insoupçonnés, des mesquineries déconcertantes et des générosités admirables ; nous subissons les égoïsmes, et nous acceptons les dévouements, toujours étonnés de l’inconnu que nous rencontrons dans ces âmes Puis un jour vient, où nous nous étonnons nous-mêmes. En