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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/68

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ve pas de vos ennuis ; sacrifiez-vous sans cesse… et vous serez heureuses ! » Ô madame, il est bien chimérique le bonheur que vous créez, avec votre plume active, au moyen de devoirs accumulés les uns sur les autres ! Mais n’avez-vous jamais pensé qu’il finit par y avoir tant de devoirs, et de formes si disparates, que l’équilibre est rompu, et qu’ils s’écroulent en écrasant celle qui a eu la présomption de les accepter tous ? Vous dites des choses sages : à les lire, elles paraissent la vérité facile à vivre, mais la réalité est plus vraie encore, et aucune jolie phrase ne l’empêchera d’être dure et, dans certains cas, d’une injustice révoltante. La réalité, c’est ma vie et celle de tant de jeunes femmes sacrifiées à la légèreté, à l’égoïsme et à l’immoralité des hommes qui nous ont épousées par caprice et qui nous délaissent pour satisfaire de nouveaux caprices.

Ils viennent à la maison pour y manger et quelquefois pour y dormir ; ils fréquentent leur club, les buvettes, et autres lieux encore moins respectables. Leur travail leur donnerait de quoi faire vivre leur famille dans l’aisance, mais ils prennent la part du lion pour leurs plaisirs, et ils crient ensuite à l’extravagance quand il leur faut pourvoir aux nécessités de la famille. Leur femme travaille plus qu’aucune servante ne consentirait à le faire même pour un salaire élevé, mais elle n’a jamais un sou à elle, et il faut qu’elle mendie de son mari l’argent qu’elle doit au boulanger et au laitier. Du matin