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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, quatrième série, 1918.djvu/79

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vivre, » leurs désirs refusent de s’arrêter en route : vaincus dès qu’ils essaient de se traduire, vaincus une fois, dix fois, cent fois, ils ne cessent pas d’affirmer leur puissance, mais leurs défaites répétées paralysent les énergies mises à leur service et usées à d’impossibles luttes.

Le dégoût de l’effort s’installe alors en eux pour y consommer son œuvre de ruines, et une douleur accablante pèse sur leur existence. Ils passent inutiles, grands quand même, et douloureux, faisant les gestes de la vie ordinaire, et sans mourir de la torture qui les ronge au dedans d’eux-mêmes. Madame, donnez la liberté à vos oiseaux, et que le bon Dieu délivre les âmes captives.


XXVIII

Les Mères


Dans l’église sombre, je suis entrée transie, triste de toutes les tristesses rencontrées et partagées. Je me suis approchée de l’autel de la Vierge. Douce et blanche, elle élevait dans la lumière l’Enfant divin ; et elle semblait se pencher sur les femmes agenouillées devant elle. Quelques-unes pleuraient et à chaque instant un cierge nouveau, allumé par une main pieuse, joignait sa flamme à celles qui s’élevaient en grésillant. « Gardez nos fils ! » Je devinais ce cri éperdu des