Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/101

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n’eût été si blême, que sans ses yeux clairs à la manière d’une eau qui luit, elle eût ressemblé à une déterrée.

« Sauvage comme un petit chat de grange, elle fuyait les autres enfants et ne savait pas même répondre au monde honnête qui lui voulait du bien. La nuit, elle se levait, allait et venait par la maison, et elle parlait aux esprits ; elle ne marchait pas comme le monde en vie, elle glissait comme une ombre… et nos voisins étaient bien tourmentés à son sujet !

« Quand La Grite eut à peu près seize ans, elle parut affaiblir : elle se mourait comme une lampe à bout d’huile sans qu’on lui connût de maladie. Mais elle continuait de vagabonder, et ses parents qui ne l’avaient jamais contrariée, la laissaient passer le plus clair de son temps dans les bois qui entouraient les quelques maisons du village. C’est vers ce temps qu’il commença à se passer des choses bien curieuses chez elle. Des fois, c’était, dans le grenier, comme de grosses boules qui roulaient sur le plancher, ou bien, c’étaient, dans le tuyau du poêle, des voix qui jacassaient ensemble, ou bien encore, c’était le bruit du rouet dans la chambre où personne ne couchait. C’était évident que le diable s’en mêlait. Tout le village était épeuré et les parents de la Grite auraient bien voulu s’en débarrasser, — honnêtement, s’entend !

« Mais ce n’était pas facile ! À dix lieues à la ronde, on n’eût pas trouvé une âme assez