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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/143

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là aussi des sympathies, de celles qui me lisent, et qui attendent de moi autre chose que ce que je leur offre, et alors je voudrais avoir le pouvoir de lire dans ces âmes pour me faire dicter par leurs besoins mes pauvres petites lettres qui seraient alors utiles et bienfaisantes.

J’ai eu cette impression très vive, l’autre matin entre huit et neuf heures, dans un tramway qui se remplissait de jeunes filles allant à leur travail ; j’ai été frappée par l’absence de gaieté sur leurs frais visages. Je crus que le ciel gris déteignait sur leur humeur, et je renouvelai l’expérience par une journée lumineuse et tiède, mais avec le même résultat ! Et je suis prise de pitié pour cette jeunesse si grave, et je voudrais dire à chacune la belle parole d’Henri Bordeaux : « Pour être heureuse il faut se donner bravement à la vie. » Pas à la vie qu’on rêve, mes petites amies, mais à celle qui est la vôtre ; il faut s’y donner sans envie ni rancune contre personne, sans amertume contre notre sort.

De toute condition, si modeste soit-elle, acceptée courageusement avec toutes ses obligations, rejaillit, sur celle qui l’occupe, beaucoup de considération et de dignité.

La plus jolie forme de courage c’est la gaieté : c’est celle du brave soldat français, c’est celle de tant de femmes qui cachent sous leurs sourires de si douloureux secrets, et pour qui le rire n’est que la pudeur des