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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/20

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LETTRES DE FADETTE

inconsciente, puis la chanson : la cadence joyeuse s’accentue, se précipite et devient la danse folle, le tourbillon léger où passent la jeunesse, l’enthousiasme, le plaisir qui éclate en un air de fête.

Un arrêt subit, une attente, quelques notes douces qui tremblent et vaguement, le rêve s’esquisse, chante, s’attendrit, et l’amour enfin palpite dans les longs traits passionnés qui alternent, s’appellent et se répondent.

Peu à peu le chant devient plus égal, toujours tendre, mais avec une nuance distinctement triste, et les grandes phrases lentes disent le calme poignant des premières solitudes rencontrées, des désillusions ironiques, des séparations tragiques où tombent ces larmes du cœur dont on voudrait mourir.

Voilà enfin la mélodie finale qui résume tout : elle monte en s’élargissant, forte et sublime comme un souffle d’en haut, comme un geste de l’infinie miséricorde s’ouvrant pour recevoir l’âme lasse des choses de la terre, et la dernière note lancée s’arrête haletante, vibrant tout entière de tant de vie évoquée.

…Le silence m’arrache brusquement à cette rêverie où s’est écoulé peut-être bien du temps : le ciel s’est obscurci, un nuage en passant sur l’eau lui donne une teinte plombée, et l’air froid qui entrait avec la musique me fait frissonner.

Mais n’étais-je pas devant ces feuilles éparses sur ma table dans l’intention de vous