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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/62

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petits conseils, — que ce soir, j’ai l’impression que je vous ennuie, que je me répète et que je ferais mieux de me taire.

Hélas ! je ne suis pas libre de le faire et l’inexorable jeudi approche ! Après avoir interrogé le ciel menaçant, et soupiré en voyant les feuilles tourbillonner avant de tomber dans la boue, je reviens à mon fauteuil et je renonce à trouver un « sujet » intéressant.

J’écoute la respiration de la lampe, le chuchotement de la pendule ; c’est, tout autour de moi, les petites choses et les petits bruits familiers qui m’environnent d’une atmosphère de douceur et de sincérité. C’est le cher chez moi, et d’y être si bien ne me fait pas oublier les pauvres gens chassés de leurs foyers dans tous les pays envahis.

Eux aussi, il y a un an, se trouvaient en sécurité chez eux, et croyaient y habiter toujours et y mourir… la guerre les a surpris avec ses horreurs et ses misères : ils n’ont plus ni maisons, ni meubles, ni chers souvenirs. La famille a été brutalement divisée et chaque minute peut faire la séparation définitive.

Et nous aussi, demain, pouvons être atteints par le malheur qui nous sépare des nôtres et nous déracine des endroits aimés. Nous ignorons ce que nous réservent même les jours prochains… c’est le mystère de la vie !

Et nous vivons tous dans ce mystère : mystère de l’avenir, mystère des autres et de leurs pensées, mystère de notre propre cœur et de ses volontés !