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Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, troisième série, 1916.djvu/91

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votre conscience et votre devoir, et ce sera toujours en votre âme une source inépuisable de joie intérieure que nulle épreuve ne pourra tarir.


XXXIII

Le rêve effacé


Cet après-midi sombre, j’allais seule par la rue presque déserte, j’étais lasse de la lutte contre un vent froid qui me coupait la respiration, et triste de la tristesse de toutes les choses frissonnantes qui gémissaient dans l’air… j’avais l’impression d’avoir déjà vécu cette minute, dans un décor identique et avec mon âme d’aujourd’hui… oui, c’était bien cela, et, de la rue, tout près, il était venu une mendiante à qui j’avais fait l’aumône… Machinalement j’ouvris ma bourse pour y chercher de la monnaie, et, en relevant la tête, j’aperçus, débouchant de la rue voisine, une petite vieille serrée dans un châle rapiécé, ridée, misérable et pâle comme l’ombre même de mon rêve ! Je lui donnai des sous et je continuai mon chemin : mon rêve était effacé.

Ô esprits forts, ô gens qui raisonnez tout, vous souriez et vous me trouvez bien puérile d’avoir cette croyance qui n’est pas accessible au raisonnement puisqu’elle tient aux états mystérieux de l’âme. Et pourtant qui parmi vous n’a pas eu de ces réminiscences, et qui ne s’est dit à un moment donné :