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pour les faire mettre à néant par les Évêques. Pourquoi une constitution d’un gouvernement si les Évêques peuvent se moquer d’eux à volonté ? Mieux vaut de suite leur donner le pouvoir et nous verrons de nouveau le beau système qui se suivait à Rome. On y faisait volontiers grâce à celui qui avait été dix fois assassin, et on laissait pourrir en prison l’homme qui osait dire que le prêtre ne sait pas gouverner !

La loi pourvoit à la répression des publications licencieuses ou obscènes, ou des libelles contre les personnes ; mais quand il s’agit de définir les droits d’un peuple et de le défendre contre les éternels empiètements ecclésiastiques, les tribunaux ne peuvent pas permettre aux Évêques de proscrire, par pure étroitesse d’esprit, les livres où on ne sort pas de la discussion purement philosophique. Il est donc très possible, Mgr que je me décide à porter cette importante question devant les tribunaux. Nous verrons là si l’Évêque peut ruiner à plaisir le journal ou l’écrivain qui lui résistent quand il veut dominer le temporel.

Car V. G. ne peut pas plus proscrire publiquement un journal qu’un livre qui n’est ni obscène ni immoral. V. G. a déjà commis l’arrogance de défendre la lecture de certains journaux où il n’y avait rien de répréhensible pour des Évêques éclairés, et elle a déjà ruiné, par pure passion politique, des publications utiles où l’on osait revendiquer la pleine indépendance du Catholique dans la sphère temporelle. Elle se dispose même à en ruiner d’autres. Ici aussi, Mgr les intéressés peuvent recourir aux tribunaux pour se protéger contre une tyrannie aveugle. Il est dans l’intérêt public qu’il le fassent.

Mais s’ils veulent se laisser proscrire et ruiner sans mot dire, c’est leur affaire. Ils souffrent aujourd’hui de ce qu’ils ont ineptement contribué à faire infliger aux autres. Ils louaient sottement V. G. quand elle proscrivait les journaux libéraux, ne prévoyant pas qu’ils seraient un jour victime du même despotisme. Ils auraient pourtant songer que toutes ces proscriptions et ces ostracismes ne sont pas le moins du monde une question de conscience mais une pure question de domination cléricale !  ! Ils auraient du songer que l’écrasement de l’un sur un prétexte souvent très gauche, signifie l’écrasement de l’autre plus tard sous un autre prétexte encore plus gauche. Les raisons que donne V. G. pour proscrire La Minerve font rire les hommes sérieux. Jamais l’incompétence personnelle ne s’est plus péniblement manifestée. Seulement dans ce cas-ci, le public s’amuse non seulement aux dépens du prescripteur mais du proscrit aussi qui a vu enfin fondre sur lui les mêmes caprices inintelligents qu’il avaient si bruyamment applaudis quand ils s’addressaient à d’autres. Les flatteurs des années passées voient aujourd’hui combien était imprévoyante leur tactique d’alors. Reconnaissant il y a deux ans à V. G. le droit de limiter la liberté de la presse, que peuvent-ils invoquer contre Elle à présent ? Elle leur applique aujourd’hui les mêmes menottes qu’ils ont vu avec tant de plaisir appliquer aux autres, et le public rit de bon cœur et avec raison de la déconvenue qu’ils se sont attirés en ne protestant pas quand c’était leur devoir comme journalistes de le faire alors que la liberté de la presse était attaquée ? Ceux qui laissent tranquillement violer un principe, ou qui applaudissent ineptement à sa violation, sont tôt ou tard les victimes de leur servilité. Mais au fond, comment réclameraient-ils aujourd’hui la protection des tribunaux quand on pourrait leur produire les articles où ils battaient des mains et approuvaient l’Évêque de la même conduite qu’il tient à leur égard aujourd’hui ? Comme on fait son lit on se couche, dit un vieux proverbe. Ils ont fait leur lit pour s’y trouver mal à l’aise plus tard, de là l’absence de toute sympathie à leur endroit

Mais quant à moi, Mgr qui ai toujours combattu la suprématie ecclésiastique parceque rien n’est dangereux et arbitraire comme ce pouvoir qui se croit au-dessus de tous les principes et de tous les devoirs, je n’entends pas me