trophes des îles Britanniques. D’ailleurs les peuples étrangers avaient le choix des marchés dans le monde entier ; tandis que les marchands du Canada ne pouvaient aller ailleurs qu’en Angleterre.
Du moment que la politique commerciale de l’Angleterre éprouva ce changement, une des sources de fortune de la colonie disparaissait. Aussi la dépréciation subite dans laquelle tombèrent notre commerce et les valeurs immobilières fut telle, qu’elle serait incroyable, si nous n’étions encore si près de cette époque.
C’était la première fois que la population anglaise ressentait le mal inhérent à tout état colonial. Choyée jusque-là par la mère-patrie, elle avait eu pour la métropole des sentiments d’une loyauté filiale, et elle ne comprenait pas pourquoi nous n’étions pas animés de la même reconnaissance.
Mais les anglais sont les mêmes partout, — et ce n’est certes pas un mauvais compliment à leur faire ; — les anglais ne tiennent aux formes de gouvernement qu’en autant qu’ils y trouvent des garanties pour la protection de leurs personnes et de leurs biens. Tant qu’ils trouvent ces garanties, ils ne discutent pas leur attachement au gouvernement ; ils y tiennent, sans se rendre compte si c’est d’un amour platonique ou d’un sentiment intéressé.
Mais dès que ces garanties disparaissent, les anglais se définissent à eux-mêmes la loyauté ; et quand c’est loin du sol natal, dans une patrie d’adoption, au milieu de frères et de compatriotes, entourés d’un grand peuple consanguin, qu’ils raisonnent sur ce sentiment, ils en prennent bientôt leur parti.
C’est ce qui est arrivé, lorsque l’inauguration du commerce libre en Angleterre, priva le Canada de la protection dont il jouissait dans les ports anglais.
Dix ans plus tôt, ils avaient fait un crime aux Canadiens-Français de ne pas apprécier comme eux la domination de l’Angleterre. Mais ils arborent à présent le drapeau qu’ils ont si cruellement poursuivi et persécuté. Si ce mouvement fût commencé parmi nous, leur vieille haine aurait peut-être dominé le sentiment de l’intérêt et fait crier à la révolte. Mais ils ouvrent eux-mêmes la marche et nous entraînent sur la route de la régénération.
Le temps était donc arrivé où toutes les nuances politiques et nationales allaient enfin se fondre dans la grande et unique pensée de secouer le joug colonial et de prendre notre place parmi les grandes familles humaines. Le temps était venu de discuter froidement les désavantages de l’état colonial et l’opportunité de changer notre condition politique. Le temps était venu de préparer paisiblement une séparation amicale d’avec un grand peuple qui nous avait tenus en tutelle pendant près d’un siècle, et de préparer un mariage de con-