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des environs. Ni bon ni mauvais, pareil à bien d’autres. On pouvait lui reprocher au plus une certaine faiblesse pour le cabaret. Marié, il vivotait, tant bien que mal, sans certitude du lendemain, comme beaucoup d’autres encore. Un jour de l’an passé, ayant bu plus que de raison, il revenait au logis, soutenu par son frère. Tous deux titubaient en chantant et Quinet agitait un parapluie ouvert. Je fus, ce jour-là, sur son chemin. Le jeune gendarme Servais m’accompagnait. Nous regardâmes passer les pochards. Nous les avions dépassés d’une cinquantaine de mètres, quand Servais me demanda s’il ne fallait point verbaliser. Il prit mon silence pour une adhésion, sauta de son cheval, courut après les ivrognes et empoignant Quinet par le cou, lui demanda son nom. L’autre, surpris, se fâcha, chercha à se dégager, faillit tomber, se raccrocha aux aiguillettes de Servais et les arracha, puis, après avoir essayé de frapper avec son parapluie, se débattit en hurlant sous l’étreinte de mon camarade. Les deux hommes tombèrent enlacés. Tous deux saignaient. Vous connaissez Servais, il est d’une vigueur d’hercule et jeune et impétueux ; souvent complimenté pour sa force, il ne distingue point toujours, dans son zèle, l’énergie de la brutalité. Quinet passa un pénible quart d’heure. Ficelé comme un saucisson, il fut mené à « l’amigo ». Quant à moi, j’avais eu simplement à maintenir le frère. Procès-verbal fut dressé du chef d’ivresse, d’outrages, rébellion, etc. L’affaire prit un certain caractère de gravité quand on sut que Quinet avait été assez mal arrangé pour devoir rester dix jours au lit. Quelques-uns des nombreux témoins attirés par cette scène vinrent affirmer que Servais avait frappé avec son sabre sur