Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/37

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— Ne trouvez-vous pas, Adonis, qu’Ils deviennent vraiment ridicules avec leur Bon Juge ?

— Certainement, certainement, répondit au hasard le petit vieux en roulant des yeux étonnés.

— Enfin, moi, il m’embête, leur bon Juge. Ne dirait-on pas qu’il a découvert un nouveau monde, ce M. Magnaud, parce qu’il a acquitté une malheureuse qui, contrainte par une force majeure, avait volé un pain ! Mais nous en ferions autant si le cas se présentait, n’est-ce pas, et nous ne demanderions pas à la presse de le crier sur les toits.

— Certainement, certainement, fit le juge Adonis, et il répéta machinalement : Si le cas se présentait…

— Comme vous avez raison, mon cher ami ! Voilà bien la question. Est-ce que ce cas-là se présente jamais ? Tenez ! moi qui vous parle, voilà vingt-neuf ans que je siège au correctionnel ; jamais, entendez-vous, jamais je n’ai vu de femme qui ait volé un pain pour le manger ! Ce sont des calembredaines de la défense, tout cela ; des inventions des prévenus ou de leurs avocats. Ce bon juge est un serin qui gobe tout ce qu’on lui raconte et qui essaye de justifier sa candeur en des jugements kilométriques. Car, vous les avez vus, ces jugements, ils sont ridiculement détaillés et longs ; ils représentent un travail énorme. Avez-vous une idée, Adonis, de ce que nous deviendrions si nous nous mettions à motiver nos jugements ?

— Heu ! heu ! toussota l’infirme. Motiver les jugements, oui, la Constitution… heu ! heu !…

— Sans doute, la Constitution, riposta avec aigreur le président. Mais il suffit de dire que la prévention est éta-