Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/47

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paraissait à cet esprit cultivé une sacrilège usurpation du pouvoir des forces supérieures et obscures qui mènent le monde, un stupide et brutal mouvement réflexe de vengeance de la part d’une société rendant le mal pour le mal, et d’autant moins excusable en sa violence qu’elle a le plus souvent une très lourde part de responsabilité dans les origines du mal qu’elle prétend châtier. Tout ce formidable mécanisme, broyeur d’énergies humaines, dévorateur de liberté, d’honneur et de fortune, n’avait donc de sérieuse raison d’être que s’il corrigeait les coupables.

Les corrigeait-il ? Qu’était demain pour ceux dont il entrevoyait les silhouettes furtives sur les bancs des accusés ? Quelles étaient, pour ceux-là et pour les autres, les conséquences sociales de la peine ? Voilà ce que Jacquard voulut savoir. Il eût fallu, pour être dûment renseigné, suivre les condamnés dans la vie, car il était indispensable, pour apprécier en son entier le problème, de mesurer l’influence d’un acte, non seulement sur celui qui en est l’objet, mais sur tous ceux sur lesquels la complication nécessaire de la société le répercute. Le juge Jacquard n’y pensa même pas : il passa, sans la voir encore, à côté de la forte et simple vérité qui avait illuminé la conscience de Frédéric Marcinel.

Il demanda aux livres des réponses et scruta les statistiques. Celles-ci sont bien rarement démonstratives : on en cite souvent les conclusions à l’étourdie, car elles n’ont vraiment de sens que si l’on s’est préalablement entendu de façon claire sur les définitions qu’elles comportent et la manière dont on établira les calculs. Jacquard trouva donc un grand fatras de chiffres qui lui parurent propres à