Page:Destrée - Le Secret de Frédéric Marcinel, 1901.pdf/57

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point lié dans les injonctions des Codes ; il consentait à les suivre, mais sans servilité ; il prétendait leur trouver toutes sortes de souplesses et mettait à les interpréter une ingéniosité fertile.

— Tenez, disait-il un jour, tandis qu’Adonis paraphait des registres de l’état civil avec la méthode et la placidité que lui permettait son hébétude constante, qu’est-ce que la loi, Monsieur le Président ? Est-ce la vôtre ? Est-ce la mienne ?

— Mais il n’y en a qu’une, me semble-t-il ? Qu’est-ce encore que ce paradoxe ?

— Et non, il y en a deux, il y en a dix, il y en a mille. Examinez ce texte du Code Napoléon. Il avait pour son rédacteur un sens déterminé. Quand vous le lisez, croyez-vous que ce soit ce sens-là, le sens primitif qui se lève en votre esprit ? Les mots sont les mêmes, la signification a changé. Vous ne les comprenez plus comme les comprenait Toullier. Et moi qui suis votre cadet de vingt ans, je ne les comprends pas comme vous les comprenez. Des cerveaux de 1900 ne peuvent percevoir comme des cerveaux de 1880, de 1840, de 1810 ? Il se fait en nous-mêmes, à notre insu, toute une série de modifications extrêmement ténues peut-être, mais réelles.

— Vous me parlez là de l’interprétation des textes, mon cher ami. Ça peut être délicat et je vous concède que le temps est un facteur d’une importance considérable. Mais s’il peut y avoir une difficulté à retrouver la volonté du législateur, il n’en est pas moins certain qu’il y en eut une et pour la préciser, nous avons à notre disposition les origines, les travaux préparatoires, les discussions parlementaires, les commentaires contemporains…