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— Je vous remercie de votre condescendance à vous intéresser à mes bavardages, Monsieur le Président. Oserais-je profiter de votre amabilité pour vous contredire encore et vous signaler qu’à mon sens, c’est à tort que l’on considère généralement la condamnation conditionnelle comme une faveur pour le prévenu ?

— Vous m’étonnez tout-à-fait. Comment la considérez-vous donc, alors ?

— Moi, c’est surtout l’avantage qu’y trouve la société qui me requiert. Intéresser un délinquant à ne plus délinquer, je trouve cette idée-là tout simplement admirable. J’y vois le début de toute une transformation du système des peines, le point de départ d’une évolution dont on ne soupçonne pas l’ampleur. Il est sans doute très louable de se montrer clément, d’amortir la rudesse des répressions, mais combien plus essentielle pour la société qu’il s’agit de défendre contre les entreprises des malandrins est la protection que lui procure la menace de la déchéance du sursis ! Le peuple ne s’y est pas trompé ; tandis que les juristes timides annonçaient qu’une condamnation de ce genre serait accueillie comme un acquittement, la masse, en son langage expressif, a eu vite baptisé ces sentences de condamnations à trois ans, cinq ans de « surveillance ». Un pareil jugement oblige, en effet, l’intéressé à se surveiller lui-même, et cette surveillance-là vaut infiniment plus que celle que la police pourrait exercer. L’expérience a prouvé qu’elle était très efficace et que les rechutes sont relativement rares. Elles le seraient davantage encore si la loi était mieux comprise et si les sursis étaient donnés plus souvent avec des peines importantes. Là est, à mon sens, une erreur