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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/113

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jugement qu’il desire porter. Vous, par exemple, si vous avez pris pour sujet de vos méditations une pêche dont vous avez goûté hier, vous voyez bien qu’elle vous a donné les sensations d’une belle couleur, d’une bonne odeur, d’un goût agréable ; que vous l’avez sentie molle au toucher, que vous vous ressouvenez de tout cela ; que vous en concluez que cette pêche est mûre, qu’elle vous sera salutaire, et qu’en conséquence vous desirez la manger, et que vous allez la chercher ou une autre pareille. Vous reconnaissez que, comme nous l’avons dit, il ne s’agit là que de sentir des sensations, des souvenirs, des rapports, des desirs, et d’agir en conséquence ; mais vous ne démêlez pas de même comment, avec ces sensations, ces souvenirs et ces rapports, vous vous êtes fait l’idée complète de cette pêche ; comment ensuite vous l’avez étendue à tous les fruits semblables, et encore moins comment vous avez composé les idées plus générales encore de bonté, de beauté, de mollesse ou de dureté, de maturité, de salubrité, de similitude, de passé, de présent et d’avenir. C’est qu’effectivement ces idées très-composées ne sont pas les résultats d’une