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Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/396

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Demande-t-on, au contraire, si nous pouvons penser sans signes artificiels et volontaires ? la réponse dépend du sens que l’on attache au mot penser. Pour nous, qui avons donné le nom d’idée ou de perception généralement à tout ce que nous sentons, depuis la plus simple sensation jusqu’à l’idée la plus composée, et qui avons appelé penser avoir des perceptions quelconques, et par là en avons fait le synonyme de sentir, la question n’en est pas une ; car il est bien manifeste que nous sentons avant d’avoir des signes artificiels, et que si, premièrement, nous ne sentions rien, nous n’aurions ni besoin ni moyen d’instituer aucun signe. Aussi quand quelques idéologistes ont prononcé que les signes sont absolument nécessaires pour penser, pour avoir des idées, c’est qu’ils ne comprenaient pas sous le nom d’idées la simple sensation, ni sous celui de penser l’action de percevoir cette sensation ; ils n’appelaient proprement idées que ce que nous avons appelé idées composées, et ils ne donnaient le nom de penser qu’à l’action de combiner nos perceptions premières. Dans ce sens je ne m’éloignerais pas beaucoup de leur avis ; mais