Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/45

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embrouillé par les mots d’une langue qui ne vous est pas encore familière.

Enfin, quand vous n’auriez jamais entendu parler ni de physique, ni de calcul, ni de latin ; quand, de votre vie, vous n’auriez reçu aucune leçon expresse ; quand vous ne sauriez pas lire ; quand vous n’auriez appris qu’à parler, croyez-vous que vous y fussiez parvenu sans faire un grand usage de votre jugement ? Vous n’avez peut-être jamais pris garde à la multitude de choses qu’il faut qu’un enfant étudie pour apprendre à parler ; combien il faut qu’il fasse d’observations et de réflexions pour connaître et démêler tous les objets qui l’environnent ; pour remarquer et distinguer les voix et les articulations que prononcent ceux qui l’entourent ; pour s’apercevoir que de ces paroles les unes s’appliquent aux objets et les désignent, les autres expriment ce qu’on en pense et ce qu’on en veut faire ; pour parvenir lui-même à répéter ces paroles et en faire une application juste, et enfin pour reconnaître la manière de les varier et de les lier entre elles de façon qu’elles deviennent le tableau fidèle de sa pensée. Pesez un peu toutes ces difficultés, et vous