Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, première partie.djvu/72

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la gaîté ou de la tristesse, sans motif. J’en appelle à l’expérience de tous les hommes, et sur-tout de ceux qui sont délicats et mobiles. L’état joyeux causé par une bonne nouvelle, ou par quelques verres de vin, n’est-il pas le même ? Y a-t-il de la différence entre l’agitation de la fièvre et celle de l’inquiétude ? Ne confond-on pas aisément la langueur du mal d’estomac et celle de l’affliction ? Pour moi, je sais qu’il m’est arrivé souvent de ne pouvoir discerner si le sentiment pénible que j’éprouvais était l’effet des circonstances tristes dans lesquelles j’étais, ou du dérangement actuel de ma digestion. D’ailleurs, lors même que ces sentiments sont l’effet de nos pensées, ils n’en sont pas moins des affections simples, qui ne sont ni des souvenirs, ni des jugements, ni des desirs proprement dits. Ce sont donc des produits réels de la pure sensibilité, et j’ai dû en faire mention ici ; en un mot, ce sont de vraies sensations internes comme les précédentes.

Il en est de même de toutes les passions, à la différence que les passions proprement dites renferment toujours un desir. Dans la haine, est le desir de faire de la peine ; dans