Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/16

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raisonnemens depuis tant d’années sont fondées sur des faits bien observés, et de reconnaître pourquoi elles ont été si peu utiles. Je lui demande avec instance de se rappeler que l’art de raisonner, bien qu’assurément cultivé avec excès dans les écoles, n’a cependant pas fait un pas depuis Aristote jusqu’à Bacon. Il reposait donc sur des bases fausses ; car, comme le dit le même Bacon, toute étude bien commencée doit être féconde : et si depuis Bacon, cet art a reçu des améliorations importantes, c’est qu’au lieu de se borner à l’apprendre et à le pratiquer, on a commencé à y réfléchir ; on a étudié la science qui lui sert de guide et de flambeau ; et elle s’est enrichie de plusieurs vérités précieuses. Un coup-d’œil jeté sur les travaux de nos prédécesseurs mettra, je crois, ces assertions hors de doute. Il fera plus, il montrera que tous ont reconnu, au moins confusément, la nécessité de cette distinction entre l’art et la science ; que s’ils ne se sont pas assez arrêtés à celle-ci, c’est qu’elle n’était pas encore assez avancée de leur tems ; qu’ils ont eu d’autant plus de succès qu’ils y ont plus insisté ; et que la cause unique de tous leurs écarts est d’avoir tracé les règles de l’art avant d’avoir complétement demêlé les vérités de la science