qu’il a senti tout ce qu’il a d’immense et même de gigantesque, qu’il n’en a pas été effrayé, qu’il a osé en rédiger et en publier le programme et la première ébauche avant d’avoir atteint l’âge de dix-huit ans, et qu’il a constamment travaillé toute sa vie, sinon à le mettre à fin, du moins à l’avancer. Cependant tout cela est prouvé et par le témoignage de son éditeur Guillaume Rawley, et par une lettre que lui-même écrivit dans ses dernières années au père Fulgence, moine vénitien. Il y a plus : c’est que ces circonstances si extraordinaires étaient autant de conditions absolument nécessaires au succès. Pour qu’une entreprise pareille n’avortât pas complétement, et ne fût pas étouffée dans son germe, il fallait qu’elle reçût un commencement de développement des mains même de son auteur ; et la durée de la vie d’un homme est si disproportionnée avec celle d’un tel travail, qu’il ne pouvait ni le commencer trop tôt, ni le continuer trop long-tems. Que de grandes pensées nous avons vu périr sans fruit, pour n’avoir pas été préservées quelques années de plus des atteintes continuellement renouvelées de ceux qui auraient voulu les empêcher de naître, et qui ne sont parvenus à les anéantir
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