Page:Destutt de Tracy - Quels sont les moyens de fonder la morale chez un peuple ?.djvu/30

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pas oublier que j’ai dit aussi, d’après la raison et l’expérience, que le progrès des sciences morales ne précède jamais et même ne suit que de loin[1] celui des sciences physiques et mathématiques, et de leurs applications aux arts qui en semblent le plus éloignés. L’art de la navigation est peut-être celui de tous (après l’imprimerie) qui a le plus contribué à l’avancement de la métaphysique, en nous faisant connaître des peuples dans tous les différens périodes de l’esprit humain. Il est donc nécessaire pour que l’idée des bonnes institutions que je désire, naisse dans la tête de quelques hommes, qu’ils aient des occasions et des moyens d’étudier toutes les parties des connaissances humaines, et d’en reculer les bornes. Heureusement il n’est pas difficile à l’État de leur procurer ces précieux secours. Il suffira de quelques écoles pour éclairer les divers services publics, et d’un petit nombre d’autres pour perfectionner les théories savantes et pour former des maîtres ; et de destiner quelques sommes annuelles à encourager ceux qui se distingueront, à récompenser les hommes supérieurs, à faire imprimer des livres utiles ou curieux, mais en petit nombre ; à donner des machines et des instrumens, et à payer des expériences. Ces dépenses seront modiques, si elles sont faites en connaissance de cause, et deviendront bien fruc-

  1. En veut-on une nouvelle preuve ? Il n’y a presque personne qui ne sente la nécessité d’une école polytecnique pour les sciences physiques et mathématiques. À peine se trouve-t-il quelques penseurs qui s’apperçoivent qu’il serait encore plus urgent d’en avoir une pareille pour les sciences morales et politiques.