Aller au contenu

Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui ont duré toute ma vie et qui ne s’éteindront qu’avec mon dernier soupir. Je m’aperçois que mes jours ont fui avec une rapidité vertigineuse. Je constate, hélas ! depuis longtemps que mes cheveux ont la blancheur de la neige. J’ai vieilli, mais le vieux château, aux murs centenaires, semble au contraire rajeunir. La main de l’homme le retouche souvent ; elle en efface les rides, en remplit les lézardes, lui redonne des couleurs fraîches et jeunes. Aussi semble-t-il, en vieillissant, toujours défier du temps l’irréparable outrage.

Il est isolé et désert maintenant, ce vieux manoir. Il semble dormir du sommeil calme des vieillards qui trouvent plus de jouissances dans l’assoupissement de leurs sens parce que leur cerveau n’a plus que des rêves remplis des souvenirs de leur jeunesse, adoucis par le temps. Dans ce manoir d’un autre âge, on n’entasse plus que les vieilles choses des vieux temps ; on en a fait un musée. Il est isolé et désert, le vieux manoir, parce que l’Université, qui a grandi, l’a abandonné comme une chose démodée, usée, trop petite pour y loger. Il est isolé et désert parce que la ville, dont la population a quadruplé, étend ses limites au loin dans toutes les directions, déplaçant ainsi son centre vers le nord, vers l’ouest et vers l’est. Autrefois, le vieux manoir était au centre de la ville, en plein quartier des affaires, de la promenade et sur le boulevard fashionable. Aujourd’hui, pauvre vieux manoir, il est comme une chose oubliée dans le coin d’une rue peu fréquentée.

Jadis ce quartier de la ville était peuplé par la foule remuante et empressée des hommes d’affaires,