Ma Rose, relis « Le Lac » de Lamartine, et aujourd’hui que tu sais aimer, tu pleureras en pensant à ces jours heureux où nous voguions sous le souffle du bonheur. Oh ! dis-moi tout ce que te diront ces souvenirs. Dans tes marches et tes promenades du soir, quand tu contempleras ou compteras les étoiles brillantes comme nous le faisions ensemble, rappelle-toi et dis-moi bien ce qu’elles te diront. Si tu vas dans les prés où nous nous reposions à l’ombre de l’érable aux larges feuilles, tu t’en souviens, dis-moi ce que te dira la feuille qui se détache de la branche et que la brise fait tournoyer avant de la jeter sur tes genoux. Dis-moi ce que te dira le brin d’herbe que tu foules à tes pieds ou la fleur que tu coupes de sa tige. Quand tu veilles tard, te rappelles-tu nos soirées et nos causeries ? Rappelle-toi comme nous aurions toujours aimé le crépuscule sans la nuit… Chère Rose, il est si doux de rappeler ces souvenirs que j’oublie l’heure ; le sommeil s’enfuit devant ces douces pensées. Il est déjà minuit, l’heure où nous nous séparions pour aller chacun de notre côté rêver et bâtir des châteaux en Espagne…
On promet d’augmenter mon salaire à L’Étoile… Je suis tranquille à mon bureau ; pas de patients. J’ai commencé à composer une pièce de poésie qui paraîtra la semaine prochaine dans le journal. Tu verras dans cette poésie comme je sais me souvenir…
Vendredi, 22 avril, 9¼ hrs p.m. — Ma bonne Rose, je t’ai dit l’autre jour que je ne te confierais plus ni mes chagrins, ni mes ennuis, et que je paraîtrais toujours gai dans mes lettres. Quand je te l’ai dit j’étais bien