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L’AMOUR NE MEURT PAS

je lui cachais mes appels auprès des petits moribonds miséreux pour ne pas causer de peine à son cœur compatissant ; mais elle s’intéressait tellement à mes malades qu’elle savait toujours s’y prendre pour me faire avouer la vérité, et c’était alors qu’elle me faisait de douces réprimandes sur mon peu de confiance en elle. Oh ! ma Rose ! tu étais vraiment la femme créée pour être l’épouse d’un médecin consciencieux et laborieux ; tu l’as prouvé amplement dans la suite des années. J’ai pratiqué, toute ma vie, la spécialité la plus difficile, la plus fatigante et la plus accablante de la médecine, qui exige des appels à toute heure du jour et de la nuit, spécialité qui nous a privés bien souvent des parties de cartes que tu aimais tant, des soirées dont tu raffolais, des théâtres dont tu étais si friande, des plaisirs que tu goûtais tant, et jamais je ne t’ai entendue murmurer contre le sort nous privant des amusements qui auraient pu nous distraire et nous reposer. Tu t’en privais le plus souvent parce que je ne pouvais t’accompagner et tu en acceptais volontiers le sacrifice. Combien de fois aussi, chère Rose, n’as-tu pas soutenu mon courage, relevé mes forces quand j’étais fatigué, épuisé par un long travail et que cependant je recevais un appel de me rendre auprès d’une pauvre malheureuse qui n’avait pas le sou à me donner ! Je me rappelle toujours comme tu savais alors toucher mon cœur par tes paroles pleines de pitié dans l’espoir de sauver une mère qui sans moi serait peut-être morte, laissant une dizaine de petits enfants en bas âge, voués à toutes les misères et à tous les accidents trop souvent l’apanage de l’orphelin.