Aller au contenu

Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/223

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
225
L’AMOUR NE MEURT PAS

se moquait autrefois, lui revenaient à la mémoire le jour comme de véritables cauchemars qui la troublaient. Une nuit qu’une tempête faisait rage à Ste-Martine, elle ne put fermer l’œil un seul instant. Elle me voyait médecin, conduisant mon cheval par une nuit sombre, dans des chemins défoncés à travers une forêt. La tempête me surprenait ; la pluie tombait à torrents ; les éclairs déchiraient la nue ; le tonnerre grondait continuellement et mon cheval effrayé prenait le mors aux dents ; je ne pouvais plus maîtriser sa course furibonde. Pauvre Rose, elle avait peur des présages ; elle pensait à l’avenir et à mes courses par tous les temps et tous les lieux. Quand la tempête s’apaisa, elle s’endormit pour continuer des rêves plus inquiétants.

Ce que ma Rose a souffert pendant cette saison peut difficilement s’exprimer. Ses lettres en font foi ; à toutes les pages, on y sent la contrainte, car elle ne voulait pas trop manifester sa tristesse pour ne pas m’inquiéter pendant mes études, mais parfois des cris de douleur lui échappaient. Quand elle ne veut pas se plaindre, il est facile de lire entre les lignes le malaise de son âme et les tourments de son cœur. Parfois, sans s’en apercevoir, elle m’ouvre tout grand le livre de son cœur si aimant et m’en montre les tristesses inénarrables. C’est alors qu’elle s’écrie : « Oh ! mon cher Elphège, écris-moi bientôt, écris-moi longuement, car il me semble que je vais mourir d’ennui ».

Comme elle était contente et heureuse quand elle recevait une longue missive. « Mon cher Elphège, me disait-elle souvent, tu ne saurais croire tout le baume