Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/3

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


PROLOGUE


Il y avait danse, ce soir là, au Vesper, à Old Orchard. C’était au début de juillet 1930. La grande salle à manger, transformée pour la circonstance en une salle de bal au parquet ciré, retentissait des accords des instruments à cordes. Tantôt lente et mélodieuse, la musique entraînait dans une valse gracieuse d’antan : c’était doux et mélancolique comme une mélopée qui chante la jeunesse disparue. Tantôt plus vive, plus rapide, elle faisait évoluer comme des marionnettes les couples de danseurs. Les musiciens, contorsionnistes ou saltimbanques pris d’une crise d’épilepsie ou de danse de Saint-Guy, attaquaient un jazz et, affolés, contagionnés, les danseurs, accouplés comme des lianes qui ont entrelacé leurs branches, enroulé sur elles-mêmes leurs tiges flexibles et perdu leur tuteur, tourbillonnaient en une danse folle, se pliant, se courbant, se tordant encore, sarments que le vent agite au gré de ses caprices.

Autour de la salle, assises sur des chaises ou des bancs bien adossés aux murs, des personnes d’un âge raisonnable contemplaient avec admiration ou critiquaient avec sévérité les gestes gracieux ou les mouvements désordonnés, les poses réservées ou la nonchalance et l’abandon de la jeunesse qui folâtre sans cesse. Dans un coin de la salle, seul et semblant éviter toute compagnie, un petit vieillard paraissant écrasé sous le poids des années ou du chagrin, suivait avec intérêt et anxiété, de ses petits yeux gris, les pas et le maintien