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Page:Detertoc - L'amour ne meurt pas, 1930.djvu/44

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L’AMOUR NE MEURT PAS

minais, par les rues de Montréal, sans rien voir, sans rien entendre que le bruit de la locomotive qui démarre ou le sifflement de la vapeur qui s’échappe de la machine en partance et qui semblait me crier continuellement à l’oreille : « Elle est partie ; elle s’en va, et tu restes seul ». Aussitôt à la maison, je m’enfermai dans ma chambre. Je ne pouvais tenir en place ; tantôt, étendu sur mon lit, le regard en haut dans le vague, je voyais le train, qui apportait ma Rose, venir en collision avec un autre train. Les locomotives, télescopées et culbutées, prenaient feu. Les flammes se propageaient aux autres wagons et je voyais ma Rose, blessée, meurtrie au milieu des flammes, et m’appelant à grands cris. Mon petit Barbet, qui s’était glissé furtivement dans ma chambre, était couché près de moi et, de ses grands yeux arrondis, me regardait comme s’il eût compris mon chagrin. Aux cris réitérés, aux appels désespérés de ma Rose, je sursautais hors de mon lit, et, affolé à la pensée qu’il pouvait arriver un accident à ma Rose, je me mettais à marcher comme un fou à grands pas à travers ma chambre. Mon petit Barbet suivait ma course ou s’arrêtait en me regardant toujours d’un air triste. Tantôt je m’asseyais et, les deux coudes sur ma table, la tête entre mes mains, je songeais ; mon imagination trottait de crainte en crainte, de malheur en malheur, et enfin je me voyais délaissé pour toujours. Mon petit Barbet, sautant sur mes genoux et de là sur ma table, s’asseyait en face de moi, se frôlait près de moi, me léchait les mains ; et parfois je sentais sa petite langue dans mon cou ou sur ma joue. Pauvre petit Barbet, il redoublait