Page:Deubel - Chant pour l’amante, 1937.djvu/12

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Sous les pans des rideaux passaient les mauvais anges
Qu’attirait le péché de tes boucles nocturnes
Et ton parfum, semblable à ceux des fleurs étranges
Macérées dans le lait fluide de la lune.

Souviens-toi ! j’ai crié dans la nuit de l’abîme
Comme un damné perdu dans l’enfer braséant
Qui regarde mourir sous l’éclatante cime
Le soleil glorieux qui caressa ses flancs.

Et des soirs j’ai voué ma joie à la tristesse
Alors que mon désir sonnait de l’olifant,
L’astre d’un diamant scintillait sur tes tresses
Et ta main dans ma main tremblait comme un enfant.

Souviens-toi ! l’univers nous entr’ouvrait l’histoire
Où nous allions rejoindre en leurs cercles ignés
Pour défier l’enfer et revêtir leur gloire,
Tous ceux que la luxure autrefois a damnés.

Et des pans d’azur noir croulaient sur nos chemins,
Et de la profondeur de l’ombre pathétique
Les Triomphes montaient, des palmes à la main,
Et les jours effarés fuyaient sous leurs portiques.

*

Aussi, puisque viendra l’archange de la mort
Arracher à l’amour nos êtres confondus,
Avant que la vieillesse où toute âme s’endort
Nous défende l’accès du paradis perdu.

Ô toi que je vénère à l’égal des Chimères
Qui ont armé tes doigts de leurs griffes d’acier,
Ô femme aux flancs flétris par l’œuvre de la mère,
Je dépose humblement mon orgueil à tes pieds.

Et je pousse vers toi du fond de ma détresse
L’hymne de ma ferveur dévote à la beauté,
Corps gracile, vassal de ma fière caresse
Par qui j’inscris ma force et mon éternité.


1904-1907-1912