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Contes d’un buveur de bière

voulu dire vermeilles, — & jamais couple mieux assorti n’eût été béni par M. le curé, s’il n’y avait eu entre eux une barrière infranchissable.

Cambrinus n’était point de race verrière & ne pouvait aspirer à la maîtrise. Il devait, sa vie durant, passer la bouteille ébauchée à son souffleur, sans jamais prétendre à l’honneur de l’achever lui-même.

Personne n’ignore, en effet, que les verriers sont tous gentilshommes de naissance & ne montrent qu’à leurs fils le noble métier de souffleur. Or, Flandrine était trop fière pour abaisser ses regards sur un simple grand garçon, comme on dit en langage de verrier.

Cela fit que le malheureux, consumé par un feu dix fois plus ardent que celui de son four, perdit ses fraîches couleurs & devint sec comme un héron.

N’y pouvant tenir davantage, un jour qu’il était seul avec Flandrine, il prit son courage à deux mains & lui déclara ses sentiments. L’orgueilleuse fille le reçut avec un tel dédain que, de désespoir, il planta là sa besogne & ne reparut plus à la verrerie.

Comme il aimait la musique, il acheta une viole pour charmer ses ennuis & essaya d’en jouer sans avoir jamais appris.

L’idée lui vint alors de se faire musicien. « Je