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Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/190

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Contes d’un buveur de bière

« Eh ! c’eſt mon coquin de mouton, se dit-il. Comment a-t-il fait pour venir jusqu’ici ? »

Le boucher n’était point sot, & d’ailleurs chat échaudé craint l’eau froide. Il ne voulait pas lâcher son mouton, mais les bêlements semblaient s’éloigner & la maudite bête tirait sur sa corde & refusait de pénétrer dans le fourré. De guerre lasse, il fallut que Boisvert l’attachât comme l’autre à un arbre. Il s’enfonça dans le bois & suivit les bêlements. Ils l’égarèrent si bien que, quand il revint à son point de départ, il ne trouva plus personne.

Le mouton était allé rejoindre son frère dans l’étable du mayeur, & Boisvert ne fut pas peu surpris de les y voir tous les deux. Il les reprit, mais on ne put jamais le persuader qu’il n’avait point eu affaire au Malin.

« Tu es un homme trop précieux pour que je laisse partir d’ici, dit le mayeur à la Guerliche. Sais-tu lire & écrire ?

— Lire, écrire & compter comme une synagogue. Rien ne forme autant que les voyages.

— Eh bien ! fixe-toi à Erchin. Tu gouverneras la commune sous mon nom. Le grand Guillaume, mon greffier, commence à radoter & n’eſt plus bon qu’à mettre aux Vieux-Hommes. Je te donne sa place.

— Grâce au tour du bâton, c’eſt quelquefois un