Aller au contenu

Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

246
Contes d’un buveur de bière

Elle fut entièrement brûlée avec les seigles & les foins qu’elle contenait.

La ferme d’Antoine étant isolée, il ne pouvait recourir aux granges de ses voisins. Il se voyait forcé de laisser sa récolte couchée sur les champs, car, en ce temps-là, on n’avait point encore inventé de mettre les épis en moyettes.

Or, le véritable Matthieu Laensberg avait prédit pour cette époque une pleine semaine de pluie.

Dans cette extrémité, Wilbaux eut l’idée d’aller, le soir même, consulter un sien frère qui demeurait à Hendécourt, à environ deux lieues de là.

Arrivé à l’endroit où le chemin coupe la grande route d’Arras, il vit tout à coup devant lui un homme vêtu d’un manteau brun, l’épée au côté & le chapeau orné d’une plume rouge.

« Où vas-tu, compère ? dit l’inconnu.

— Que vous importe ? répondit le censier, qui n’était point en humeur de causer.

— Il t’importe, à toi, que je le sache, car moi seul puis te sauver de la ruine. »

Wilbaux se trouvait fort en retard dans ses payements & il s’agissait, en effet, pour lui d’une ruine complète. Il s’aperçut que l’étranger n’avait point de blanc dans les yeux.

Les deux globes en étaient si complètement noirs, qu’ils semblaient avoir été taillés dans une