Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/291

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

285
Le Poirier de Misère

membres, & que Faro hurla comme s’il y avait eu un trépassé dans la maison.

Elle se retourna & vit un homme long, maigre, jaune & vieux, vieux comme un patriarche. Cet homme portait une faux aussi longue qu’une perche à houblon. Misère reconnut la Mort.

« Que voulez-vous, l’homme de Dieu, dit-elle d’une voix altérée, & que venez-vous faire avec cette faux ?

— Je viens faire ma besogne. Allons ! ma bonne Misère, ton heure a sonné, il faut me suivre.

— Déjà !

— Déjà ? Mais tu devrais me remercier, toi qui es si pauvre, si vieille & si caduque.

— Pas si pauvre ni si vieille que vous le croyez, notre maître. J’ai du pain dans la huche & du bois au bûcher ; je n’aurai que quatre-vingt-quinze ans vienne la Chandeleur ; &, quant à être caduque, je suis aussi droite que vous sur mes jambes, soit dit sans affront.

— Va ! tu seras bien mieux en paradis.

— On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on gagne au change, dit philosophiquement Misère. D’ailleurs, cela ferait trop de peine à Faro.

— Faro te suivra. Voyons, décide-toi. »

Misère soupira.

« Accordez-moi du moins quelques minutes,