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Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/58

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Contes d’un buveur de bière

— Où je ne couverai point, pour sûr, répliqua la Paresse. Si vous croyez que je vas me casser la tête à apprendre des fariboles toute la sainte journée pour faire rire le soir les badauds & me coucher à matines… Merci bien ! Ne l’oubliez point, mes filles, ce n’eſt pas pour des prunes que messire Satanas me fit votre mère, & on ne vous donnera des merles que là où votre mère aura des grives.

— D’où il suit, conclut l’Orgueil, qu’il faut de toute nécessité trouver un hôte qui n’ait rien à faire. Donc, cherchons derechef. »

Les bonnes gens cherchèrent, cherchèrent longtemps, mais toujours & partout ils rencontraient quelque obſtacle qui leur fermait la porte.

Ils faillirent demander l’hospitalité à un très-riche seigneur qui vivait de ses rentes ; mais le seigneur se donnait plus de mal pour surveiller son intendant que l’intendant n’en avait à le voler.

L’Avarice proposa bien de se retirer chez l’intendant, qui thésaurisait pour son compte ; mais l’Orgueil se refusa net à demeurer chez un domeſtique, voire un domeſtique de bonne maison.

Ce que voyant, de guerre lasse :

« Mes chers enfants, dit l’Orgueil, j’avoue que j’y renonce. Voici qu’il se fait tard ; buvons le coup de l’étrier, &, quoi qu’il en coûte à nos cœurs, tirons chacun du nôtre. »