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Contes d’un buveur de bière

« Tiens ! c’était un homme, se dit Gilles. Je l’ai tué. Tant pis pour lui ! Cela lui apprendra à vivre. »

Il réfléchit pourtant tout de suite qu’en récompense d’un si beau coup on pourrait bien l’inſtruire, lui aussi, de la même façon. Il ne craignait point les valets de ville, mais il n’avait aucun goût pour la société des gendarmes, surtout quand les gendarmes vont à cheval, & qu’on marche à pied, entre eux, avec les menottes, Il prit donc le parti de ne point retourner à Condé, & franchit leſtement la frontière, qui n’eſt qu’à une heure de là.

Par bonheur, c’était un lundi, & Culotte-Verte possédait une vingtaine de patards, qu’il avait gagnés en jouant aux cartes chez la mère Boucaud. Avec ses vingt patards, il se mit, à l’exemple des Belges, à faire du commerce. Nécessité aidant, il eut bientôt de quoi acheter un baudet & exercer le métier de campénaire, ou, si vous l’aimez mieux, de colporteur.

Il allait par les villages, criant : « Marchand de blanc sable ! » ou bien : « A cerises pour du vieux fer ! » & les petits gars lui donnaient toutes les vieilles ferrailles de la maison en échange d’une livre de cerises.

Il voyagea ainsi trois ans : il aurait pu amasser de quoi, mais il ne savait se guérir de jouer.