Page:Dick - Le Roi des étudiants, 1903.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Redoutant par-dessus tout une scène où il n’avait rien à gagner, et craignant que le désespoir de Laure ne la porta à tout confier à sa mère, il avala sans sourciller la terrible mercuriale de sa victime, et répliqua d’une voix doucereuse :

« Tout doux ! ma belle fiancée, la colère vous égare et vous fait dire des choses que votre cœur ne pense pas. Je suis trop au-dessus de vos insinuations et ma conscience est trop nette sous ce rapport, pour que je m’offense sérieusement de propos dictés par un dépit excessif. Laissez-moi vous dire seulement, mademoiselle, que votre père eût parlé tout autrement que vous ne le faites, et qu’il n’eût pas récompensé par des injures les services que j’ai pu lui rendre…

— Vous vous faites payer trop cher ces prétendus services, pour avoir le droit de les rappeler, interrompit Laure avec amertume… Et encore, ajouta-t-elle, Dieu seul sait… »

Elle n’acheva pas.

« Dieu seul sait, continua Lapierre avec componction, que je poursuis auprès de la fille l’œuvre commencée avec le père…

— Vous ne croyez pas dire si vrai ! murmura la jeune créole.

— Dieu seul sait, reprit sans s’émouvoir l’ex-fournisseur, que mon mariage avec vous n’a toujours été, dans ma pensée, qu’un premier pas vers la grande œuvre de réparation que j’ai promis solennellement d’accomplir au chevet du colonel Privat mourant. Cette dot que vous me reprochez si injustement de convoiter, savez-vous, jeune fille, à quoi elle est destinée ?

— Je le sais que trop.

— Vous ne le savez pas du tout, au contraire.