Page:Dick - Le Roi des étudiants, 1903.djvu/171

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petit pied n’était certes pas de première qualité, mais on y ajoutait divers ingrédients savants qui en relevaient le goût ; et, d’ailleurs, il coûtait si peu, grisait si bien et se fabriquait si vite, que les habitués n’avaient pas le droit de se montrer difficiles.

Depuis deux ans déjà, dans cette maison isolée sur la route de Charlesbourg, à deux pas de Québec, les céréales se transformaient ainsi en whisky, à la barbe des autorités du fisc, lorsque nous y pénétrons. C’est dans la soirée même où Gustave Després était transporté mourant chez le père Gaboury.

Il fait nuit. Les chouettes houloulent dans les lézardes de la muraille ; les grenouilles coassent au sein du marécage voisin ; le gros chat noir ronronne, accroché à la gouttière du toit, et le grand chien fauve, couché sur le perron de pierre de la masure, fait semblant de dormir.

Entrons.

Nous sommes dans une vaste salle où il n’y a pour tous meubles qu’une immense table de bois brut, flanquée de cinq ou six chaises boiteuses. Au fond de la pièce, dans un angle obscur, une gigantesque armoire s’adosse à la muraille, tandis que, tout près de là, se voit la porte entrouverte d’un cabinet noir.

Un feu de branches mortes flambe dans l’âtre d’une large cheminée, faisant mijoter à gros bouillons un pot-au-feu de lard salé.

La maîtresse du logis est là, tout près, surveillant la cuisson du succulent souper qui se prépare.

C’est une femme d’un âge incertain, mais à coup sûr, plus près du crépuscule de sa vie que de