Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/105

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et s’introduisant le goulot dans la bouche, elle leva le culot en l’air et l’y maintint longtemps.

Quand la buveuse eut abaissé la bouteille pour respirer, Wapwi s’aperçut avec stupeur que le vaisseau en question était à peu près vide.

— Oach ! fit-il : il faut avoir l’œil ouvert… L’Ourse a son compte !

Débarrassant les alentours du tuyau des branches vertes qui y étaient accumulées, le petit Abénaki constata avec une joie vive que l’ouverture quadrangulaire résultant de la jonction imparfaite des pièces du rocher était suffisante pour laisser passer un corps humain.

Dans le temps de le dire, il fit un gros œil au bout de sa corde et, après avoir tiré doucement à lui le tuyau, laissa pendre celle-ci dans l’ouverture, au moment même où la Grande-Ourse s’écroulait sur son tas de feuillage.

— Vite ! petite mère, dit-il anxieusement, quoique à voix contenue, mets tes pieds dans la boucle et tes mains sur la corde : Wapwi va te hisser.

Suzanne, bien que surprise à l’extrême en entendant cette voix connue, ne fut pas lente à s’exécuter et se sentit partir de terre, monter, puis se vit dehors, sans avoir eu seulement le temps de prononcer une parole.

Wapwi, toujours méthodique et calme, remit en place tuyau et branches. Puis, prenant sa protégée sous un bras, il la guida rapidement vers le littoral, par le chemin que lui-même avait choisi.

Alors, seulement, pendant que Suzanne lui sautait au cou et le serrait dans ses bras comme un fils, il sourit, disant :

— Ah ! petite mère, comme Wapwi est content !

— Cher enfant, « mon fils » ! dit Suzanne, je te dois la vie, comme mon mari te la doit aussi… Tu ne nous quitteras plus jamais… Mais comment as-tu pu faire ?…

— Je te conterai ça… En attendant, cachons-nous.