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CHAPITRE I

À BORD DU MARSOUIN


— J’ai perdu la partie, cette fois… Mais… je reviendrai !

Tel avait été l’adieu menaçant jeté aux échos de la baie de Kécarpoui par Gaspard Labarou au moment où, toutes les voiles et pavillons au vent, le « Marsouin » s’éloignait vers le large.

C’était, — on s’en souvient,[1] — dans la matinée du 25 juin 1853, entre neuf et dix heures.

La brise soufflait de l’est ; mais le soleil, déjà haut, tiédissait son haleine qu’avaient refroidie, au delà du détroit de Belle-Isle, les glaces descendues des régions polaires.

Vers quel point du golfe se dirigeait le « Marsouin ? »…

Les deux compères qui le commandaient auraient été bien empêchés de le dire, leur eût-on posé cette simple question au moment précis où nous les retrouvons à leur bord.

Thomas Noël, toutefois, avait pris la roue et gouvernait vers le large, comme s’il eût voulu tout d’abord perdre de vue cette baie ensoleillée où il venait de jouer un rôle assez peu enviable, il nous faut bien l’avouer.

De son côté, Gaspard, l’œil fixé sur les falaises de la côte du Labrador et les promontoires qui enserrent la baie de Kécarpoui, demeurait immobile, les bras croisés, le regard sombre, sans desserrer les dents.

À l’avant, les deux matelots composant l’équipage fumaient nonchalamment leurs courtes pipes de plâtre, sans avoir l’air autrement intrigués par l’événement tout à fait imprévu qui venait de changer un joyeux voyage de noce en une fuite précipitée.

  1. Voir la première partie de ce récit : « Un Drame au Labrador. »