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Ceux du « Marsouin », — maître Jean Bec et Jean Brest, — façonnaient des épars, sciaient des traverses, mortoisaient des madriers, qu’ils assujettissaient deux par deux sur la galerie préparée par leurs confrères.

Toute la journée, on travailla ainsi, sans autre relâche que le temps nécessaire aux repas et à une courte sieste après l’heure de midi.

Aussi, quand vint le soir, chacun soupirait-il après son lit.

Mais ni le capitaine Pouliot, ni les deux compères français n’entendaient de cette oreille-là.

— Nous partirons au baissant, tout à l’heure, mes amis, dit le Canadien à son équipage, composé de trois vigoureux gaillards qui ne semblaient pas avoir « froid aux yeux. »

De son côté, Thomas, prenant un air désolé, annonçait à ses hommes :

— Mes pauvres Jean-Jean, lestez-vous la cale vite et bien, car, nous aussi, nous partons…

Et comme les matelots le regardaient avec des yeux en forme de points d’interrogation :

— Oh ! une toute petite promenade dans le détroit de Belle-Isle, puis autour de Terre-Neuve, pour revenir par le golfe : — une simple partie de plaisir, mes enfants.

— Là ou ailleurs !… murmura Jean Bec.

— Et même plus loin !… renchérit crânement Jean Brest.

— Ni ailleurs ni plus loin que là où nous trouverons des « marchandises » pour couvrir nos « tablettes » que nous venons de fabriquer.

— Compris ! capitaine… dit Jean Brest, clignant des yeux.

— Entendu ! fit Jean Bec, mettant un doigt sur ses lèvres.

On s’occupa aussitôt du branle-bas d’appareillage.

Il va sans dire que l’ouverture extérieure des grottes fut dissimulée par des branches de sapins, adroitement fichées dans les fissures de son pourtour.

Pas besoin d’ajouter, non plus, que la vieille voile « peinte à fresque » fut remise en place pour jouer, dans le canal, le rôle de décors naturel ou de cul-de-sac.