Page:Dick - Les pirates du golfe St-Laurent, 1906.djvu/56

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Et c’est sur quoi comptaient bien évidemment nos deux amis Jean Bec et Jean Brest, que nous rejoignons, vers les dix heures, sur le gaillard d’arrière du « Marsouin », où ils fument leur pipe, « mollement » étendus à l’ombre de la brigantine, à demi-déferlée.

À en juger par leur mine béate et la rougeur de leurs pommettes, ces messieurs ont dû faire bonne chère au déjeuner et arroser libéralement leur bol alimentaire.

Du reste, il n’y a qu’à les écouter pour s’en convaincre.

C’est à qui des deux fera avaler la plus « grosse » à son copain.

Or, les deux Jean étant à peu près d’égale force à ce jeu-là, il s’en débite de belles, « troun de l’air » !… comme disent les naturels de la Cannebière, à Marseille.

C’est Jean Brest qui raconte, pour le moment, — et avec quelle verve !

Aussi bien, son camarade de Québec l’a un peu provoqué en lui narrant une histoire bien extraordinaire à lui arrivée deux ans auparavant… Il avait tout simplement « piqué une tête », — oh ! bien involontairement, du reste. — dans la chute Montmorency, pour aller reparaître, une demi-heure plus tard, de l’autre côté de l’île d’Orléans, un peu trempé, mais à cela près aussi dispos qu’au moment de faire ce plongeon peu banal. Son seul ennui avait été la dépense d’une allumette pour rallumer sa pipe.

De l’air le plus naturel du monde, — quoique dans son for intérieur assez interloqué, — Jean Brest avait murmuré :

— Ami Bec, ce n’est qu’une promenade d’écolier que tu as fait là, et, chez nous, quand on veut prendre un bain, on saute comme ça dans des chutes de quelques centaines de mètres de hauteur, — histoire de se rafraîchir le tempérament.