— Mon vieux, dit-il… ton chien est mort !… Filons !… C’est le bon temps.
Et, passant son bras sous celui de son complice, il l’entraîna rapidement vers la rive, où la chaloupe du Marsouin, toute pavoisée et montée par deux matelots en grande tenue, attendait les mariés.
Bien que les oreilles lui tintassent de mille rumeurs imaginaires, Gaspard, en passant près d’un groupe formé d’une jeune fille et d’un enfant, entendit toutefois une voix de femme qui lui disait avec un mépris écrasant : « Caïn ! »
L’enfant, lui, ôta gravement son chapeau, et salua jusqu’à terre.
C’était Wapwi, qui se vengeait à sa façon.
Mais tout cela ne prit que le temps de le dire…
Thomas commanda aux matelots, après avoir fait entrer Gaspard dans l’embarcation et s’y être installé lui-même :
— À la goélette !… et plus vite que ça !
Bien que fortement intrigués de ne pas voir la mariée accompagner son nouvel époux, — ainsi que la chose avait été arrangée, — les mathurins poussèrent au large et se prirent à ramer en cadence, sans faire aucune observation.
Une demi-heure plus tard, le Marsouin, toutes voiles hautes et pavillons au vent, sortait de la baie, contournait la Sentinelle et disparaissait dans les brumes irisées du golfe…
Gaspard Labarou, debout près de la lisse de l’arrière, tendant son poing fermé vers le fond de la baie, disait :
— J’ai perdu la partie, cette fois… Mais… je reviendrai !
Dès le lendemain, un double mariage était célébré par le missionnaire, avant son départ :
Celui du capitaine Arthur Labarou et de Suzanne Noël…
Les autres conjoints s’appelaient :
Louis Noël et Euphémie Labarou.
Et, à la fin de ce jour-là, quand les ombres de la nuit s’étendirent sur la Côte du Labrador, il y eut un endroit de ce littoral solitaire ou le Bonheur, ce fuyard infatigable, dut faire une halte !