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Page:Dick - Un drame au Labrador, 1897.djvu/34

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— Oui-dà ! mademoiselle, lui repartit avec un grand sérieux Thomas. Tu crois peut-être m’avoir embroché avec ta pointe ?… Eh bien, ma sœur, apprends qu’un bon caractère et un bon estomac, ça voyage toujours ensemble, et mets-moi cette grande vérité dans ton cahier de notes, ma petite Suzette.

— Tu prêches pour ta paroisse, mon grand frère. Ainsi donc, suivant toi, les meilleurs garçons de notre petite colonie seraient… ?

— Thomas Noël et Gaspard Labarou.

— Parce que ?…

— Parce que ces deux respectables citoyens sont les plus beaux mangeurs.

— Tout doux ! tout doux ! monsieur mon frère, intervint Louis au milieu des éclats de rire : il me semble que vous avez une morale un peu égoïste… — Qu’en pensez-vous, maman ?

— Il y a du vrai et du faux dans ce que dit Thomas. J’ai connu des coquins qui avaient un bien bel appétit…

— Bon, Thomas, prends note de cela…

— Et de fort bonnes gens qui avaient toujours faim, acheva la veuve.

— Exemple : Thomas Noël ! glissa Thomas, avec une emphase comique.

— Oh ! le sournois ! fit Suzanne… Si tu n’as que ta voracité pour te faire pousser des ailes d’ange, tes grands bras resteront longtemps déplumés.

— Bravo, Suzanne ! cria Louis, battant des mains. Voilà qui s’appelle couler proprement un homme. Attrape, espèce de baliveau.

Ceci s’adressait à Thomas, lequel répondit philosophiquement :

— Dame ! si vous vous mettez deux contre moi, je n’ai plus rien à dire. Si, pourtant, un mot : pourquoi, Suzanne, m’appelles-tu sournois ? Est-ce parce que, de nos deux nouveaux amis, je m’accommode mieux du moins bavard, ou, si tu veux, de celui qui ne rit jamais ?

— C’est un peu pour cela, mon grand frère… Au reste, c’est pur badinage, tu sais…

— Non, non ! s’écria Louis. Pas de concession, Suzanne ! Thomas est un pince-sans-rire qui ne tire pas à conséquence. Mais son copain Gaspard vous a une binette d’oiseau de proie qui ne me dit rien qui vaille. N’est-ce pas, maman ?

— Le fait est qu’il est bien grave pour un jeune homme !

— C’est la timidité, peut-être… hasarda Suzanne.

— Lui, timide ?… Allons donc ma sœur, tu n’y penses pas ! Le gaillard ne navigue pas dans ces eaux-là. C’est un sournois, te dis-je. Vous verrez. — Un bon luron, par exemple, c’est mon nouvel ami à moi… Qu’on me parle d’Arthur Labarou ! C’est celui-là qui vous regarde bien en face, avec ses grands yeux bleus, et qui rit de l’abondance du cœur. — Pas vrai, maman ?

Le petit Louis éprouvait toujours le besoin d’avoir l’approbation de sa mère.

Néanmoins, pour cette fois, ce fut Suzanne qui répondit avec beaucoup de vivacité :